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Le développement de la maîtrise d'oeuvre : un risque pour les accédants à la propriété

ANIL, Habitat actualité n°62, avril 1997


Dans le prolongement du colloque consacré, en septembre dernier, au contrat de construction de maison de maison individuelle, l'ANIL et les ADIL se sont attachées à examiner pour le particulier les conséquences du contournement de la législation.

Le phénomène de contournement de la loi de 1990 par le biais du contrat de maîtrise d'oeuvre, dénoncé avec vigueur par les constructeurs de maisons individuelles, a visiblement pris de l'ampleur au cours des derniers mois pour deux raisons cumulatives.

Le durcissement des critères imposés par les garants aux constructeurs, ce qui verrouille de facto l'accès à la profession du constructeur.

La montée des tarifs de l'assurance " dommages ouvrage " qui pèse directement sur les constructeurs de maisons individuelles, mais par sur leurs concurrents maîtres d'oeuvre.

Le nombre de maisons construites dans le cadre du contrat de construction de maison individuelle diminue, alors que le marché de la maison individuelle est en expansion. La loi de 1990 risque donc de se voir, à terme, vidée de son contenu.

Quelles en seraient les conséquences ?


Du point de vue du maître d'ouvrage

Il faut rappeler que le risque encouru par le maître d'ouvrage en cas de défaillance de son constructeur était énorme avant la loi de 1990. Les sommes qu'il avait réglées avant la défaillance du constructeur étaient, en effet, souvent perdues en grande partie. La nécessité d'une garantie financière est ainsi apparue après de nombreux scandales. Un tel risque n'existe pas dans le cas d'un contrat de maîtrise d'oeuvre. Le maître d'oeuvre ne perçoit, en effet, que ses honoraires. En cas de défaillance du maître d'oeuvre, le préjudice subi par le maître d'ouvrage est donc limité. L'extension de la garantie d'achèvement n'est donc pas un instrument adapté dans la mesure où cela conduirait le professionnel à assurer la bonne fin d'un ouvrage qu'il ne réalise pas.

Par contre, le déséquilibre des deux régimes est patent, en ce qui concerne l'information du maître d'ouvrage. La liberté totale accordée au maître d'oeuvre pour la rédaction de son contrat lui permet d'entretenir l'ambiguïté sur la nature de sa prestation et l'étendue de ses engagements. Or, ces contrats sont rarement réellement négociés par les accédants, qui peuvent ainsi être abusés par des engagements oraux, mais non contractuels sur le prix, les délais, les prestations proposées.

Enfin, l'assurance " dommages-ouvrage " est toujours incluse dans le prix proposé par le constructeur de maisons individuelles. Le maître d'oeuvre ne propose, par contre, jamais cette assurance, car il ne subit pas la contrainte légale et son client ne peut actuellement la souscrire, faute d'offre des compagnies qui refusent toutes d'assurer les particuliers isolés.


Du point de vue des entreprises réalisatrices

Selon les organisations professionnelles d'artisans, les sous-traitants d'un constructeur de maisons individuelles traitent leurs marchés à des prix inférieurs à ceux qu'ils proposent à un maître d'ouvrage particulier. Leur marge sur chaque maison est donc plus réduite que lorsqu'ils traitent directement avec le maître d'ouvrage.

La loi sur la sous-traitance de 1985, pas plus que les dispositions de la loi de 1990 sur ce chapitre (obligation pour le constructeur de passer un contrat écrit avec le sous-traitant...) ne sont appliquées que par les constructeurs de maisons individuelles. Il faut d'ailleurs noter qu'il n'existe pas sur le marché d'offre de garantie de paiement des sous-traitants, telle qu'elle est prévue par la loi de 1985. Dès lors, la défaillance d'un constructeur de maisons individuelles a de graves conséquences financières pour ses sous-traitants qui peuvent être contraints d'accepter des délais de paiement très longs, subissent des impayés très lourds.

La pratique de contrats par lots séparés, assortis d'un contrat de maîtrise d'oeuvre, convient donc mieux aux artisans réalisateurs. Mais, la rémunération qu'ils sont parfois contraints de verser au maître d'oeuvre, sous des appellations diverses (frais de métré par exemple), contribue à rendre moins lisible, tant le montant des marchés, que les relations contractuelles entre le maître d'oeuvre et son client.


Du point de vue du constructeur

Il faut rappeler que la loi de 1990 n'interdit pas formellement à un constructeur de maisons individuelles de pratiquer également le contrat de maîtrise d'oeuvre. Cette situation n'est certes pas sans ambiguïté pour le particulier. En effet, la pratique alternative du contrat de construction de maison individuelle ou du contrat de maîtrise d'oeuvre cache parfois de véritables fraudes, puisque le contrat de maîtrise d'oeuvre n'est destiné qu'à exonérer le professionnel des obligations incombant au constructeur de maisons individuelles (garantie d'achèvement). Elle permet en tout état de cause au constructeur de maisons individuelles de s'adapter. Les cas de requalification judiciaire de contrats de maîtrise d'oeuvre sont d'ailleurs très rares.

Il n'en demeure pas moins que l'offre de service d'un constructeur de maisons individuelles correspond à une réelle attente de la part d'accédants qui souhaitent un service global et une prestation parfaitement définie dès l'origine. Il serait donc dommageable que cette offre disparaisse. Or, elle ne peut manifestement être proposée que dans le cadre défini par la loi de 1990.

A côté de cette demande d'un service global, existe une demande différente, émanant d'accédants qui souhaitent s'impliquer davantage dans la conception et la réalisation de leur maison et à laquelle répond la maîtrise d'oeuvre. Mais, la maîtrise d'oeuvre peut également servir de support à de faux contrats de construction qui forment le fond des contournements dénoncés, alors même que le maître d'ouvrage croit bénéficier de la protection de la loi de 19


Améliorer l'information du maître d'ouvrage pour assainir les conditions de la concurrence

Le champ d'application de la loi de 1990 ne peut être étendu pour englober ceux qui ne présentent pas le même risque. L'amélioration de l'information du maître d'ouvrage sur la prestation effectivement fournie par le maître d'oeuvre pourrait par contre remédier au déséquilibre de la concurrence par une réglementation spécifique qui pourrait, pour l'essentiel, être rattachée à la loi de 1977 sur l'architecture et prévoirait :

L'introduction de mentions obligatoires au contrat de maîtrise d'oeuvre, dont certaines pourraient être reprises telles quelles de la loi de 1990 (désignation du terrain, mention du titre de propriété) et d'autres seraient adaptées à la maîtrise d'oeuvre (nature et description sommaire de la construction envisagée, budget de l'opération, montant et modalités de paiement des honoraires, contenu de la mission du maître d'oeuvre et délai de réalisation des études). Une notice d'information spécifique pourrait être imaginée, qui indiquerait clairement que le maître d'oeuvre ne peut s'engager, ni le sur le prix de la construction, ni sur les délais de réalisation.

L'interdiction de la rémunération du maître d'oeuvre par les entreprises réalisatrices, sous quelque forme que ce soit. Cette disposition aurait pour effet de renforcer la réalité de la défense exclusive des intérêts de l'accédant par le maître d'oeuvre (appel d'offre ouvert). Un système de contrôle et des sanctions adaptées devraient être prévues.

L'introduction de dispositions symétriques de celles existantes en contrat de construction de maisons individuelles (obligation d'un contrat écrit adressé par lettre recommandée, délai de rétractation, conditions suspensives, notice d'information).

Mais, il serait sans doute nécessaire d'intervenir également sur la question de la publicité. Le seul texte applicable en la matière est la loi du 27 décembre 1973 (Loi Royer) et, en particulier, son article 44. Cela semble insuffisant pour éliminer des publicités publiées par des maîtres d'oeuvre et qui sont évidemment de nature à induire en erreur, car elles donnent à penser que le maître d'oeuvre se charge de l'ensemble de la construction, en mentionnant un prix global ou en montrant une photo de réalisation, par exemple.

Par contre, la question du renforcement de l'obligation de l'assurance " dommages ouvrage ", qui est la cause principale du déséquilibre concurrentiel entre constructeurs et maîtres d'oeuvre, semble ne pouvoir être réglée actuellement. En effet, il n'existe aujourd'hui plus d'offre d'assurance " dommages ouvrage " pour des particuliers faisant construire leur maison au moyen de marchés par lots séparés. Une disposition qui subordonnerait, par exemple, l'octroi d'un prêt aidé à la fourniture de l'attestation d'assurance " dommages ouvrage " aurait, donc pour effet d'exclure la maîtrise d'oeuvre du champ de l'accession socia


La pratique du contrat de maîtrise d'oeuvre dans la maison individuelle : le constat des ADIL

La pratique de la maîtrise d'oeuvre dans le domaine de la construction de maisons individuelles est actuellement accusée d'être souvent le support d'un contournement des dispositions protectrices prévues par la loi de 1990 sur le contrat de construction de maisons individuelles.

Il est vrai que la maîtrise d'oeuvre reste aujourd'hui le seul moyen juridique permettant d'aboutir à la construction d'une maison et qui ne soit pas spécifiquement réglementé.

Toutefois, les problèmes relevés sont d'une toute autre nature que ceux qui avaient conduit le législateur à intervenir dans le domaine du contrat de construction de maison individuelle.

Il s'agit avant tout de questions liées à la clarté des relations contractuelles, bien plus que de problèmes liés à des agissements occasionnant de graves préjudices financiers aux accédants.

Il existe une demande spécifique de prestation de ce type. Elle émane de maîtres d'ouvrage souhaitant s'investir personnellement dans la conception de leur maison et obtenir un produit très personnalisé. Il semble que leur budget soit en général moins serré que celui des clients des constructeurs de maisons individuelles qui recherchent avant tout une garantie de prix et de délai.

Cependant, certains maîtres d'oeuvre recherchent également cette clientèle disposant de budgets serrés et se placent donc en concurrence directe avec les constructeurs de maisons individuelles. Ils souffrent cependant alors d'un handicap commercial qui provient du fait qu'ils ne peuvent garantir, ni le prix, ni les délais de construction. Dès lors, ils masquent, dans leur présentation, tout ce qui pourrait attirer l'attention de leur client sur ces points.

Il s'ensuit une grande confusion, dans l'esprit de l'accédant à la propriété sur la nature des prestations proposées. C'est également ce type d'attitude qui explique l'accusation de concurrence déloyale portée par les constructeurs de maisons individuelles.

C'est donc bien sur l'information du maître d'ouvrage qu'il faut faire porter l'effort, pour améliorer sa connaissance de l'étendue de ses engagements et du contenu de la prestation du maître d'oeuvre.

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